C
Cet ouvrage a été publié à l’occasion de la rétrospective
« Cy Twombly », présentée au Centre Pompidou, Paris, Galerie 1,
du 30 novembre 2016 au 24 avril 2017.
En 1 re de jaquette :
Summer Madness, 1990
[voir cat. 112 repr. p. 165]
Au revers de la jaquette :
Blooming, 2001-2008
[voir cat. 173 repr. p. 242-243]
En 4 e de jaquette :
Cy Twombly devant son tableau Sans titre (Say Goodbye Catullus,
to the Shores of Asia Minor), Lexington, 1994
Photo David Seidner
Portfolio :
Sans titre (Lexington), 1951, détail, voir cat. 1 repr. p. 30
Night Watch, 1966, détail, voir cat. 80 repr. p. 135
Sans titre (Bacchus), 2005, détail, voir cat. 133 repr. p. 198-199
Pour Cy Twombly © Cy Twombly Foundation, 2017
Pour Robert Rauschenberg © Robert Rauschenberg / Adagp, Paris, 2017
© Éditions du Centre Pompidou, Paris, 2017
ISBN : 978-2-84426-758-0
Numéro d’éditeur : 1619
y Twombly
Sous la direction de Jonas Storsve
Cet ouvrage a été réalisé grâce au généreux soutien de la Cy Twombly Foundation
Cy Twombly, Gaète, 1994
Photo Bruce Weber
15
Serge Lasvignes
Avant-propos
210
Giorgio Agamben
Bellezza che cade
16
18
Bernard Blistène
Préface
Jonas Storsve
Quelques considérations sur la personne
et l’œuvre de Cy Twombly
233
245
Edmund de Waal
« Blanche, blanche, blanche ».
La mer selon Cy Twombly
Éric Mézil
Yvon Lambert : souvenirs de Cy Twombly
25
John Yau
Cy Twombly, Charles Olson
et le « postmoderne archaïque »
253
Bernd Klüser
Cy Twombly en vedette. La collection privée
d’Udo et Anette Brandhorst
34
Alessandro Twombly
Les peintures marocaines de Cy Twombly
260
Chronologie et anthologie de textes
de Nicola Del Roscio
53
77
Paul Winkler
(Lex)
Nicholas Cullinan
Nine Discourses on Commodus,
ou le magnifique « fiasco » de Cy Twombly
303
307
314
Liste des expositions monographiques
Bibliographie
Liste des œuvres exposées
99
Thierry Greub
Les Antiques chez Cy Twombly
111
Katharina Grosse
C.T. S.T.
127
Richard Leeman
Le corps parlant de Cy Twombly
171
Sally Mann
Extraits de : Hold Still:
A Memoir with photographs
187
Guillaume Cassegrain
« Say Goodbye Catullus... » :
Cy Twombly et la coulure
ill. 1
ROBERT RAUSCHENBERG
Cy + Relics, Rome, 1952
Épreuve gélatino-argentique, 38,1 × 38,1 cm
© Robert Rauschenberg Foundation, New York
Les Antiques chez Cy Twombly
THIERRY GREUB
L’« archéologie » de Twombly
Le monde antique constitue le thème majeur du travail artistique
de Cy Twombly 1 . Même si l’artiste natif de Lexington,
en Virginie, a tenté dans son « œuvre de jeunesse » de revenir
aux origines « primitives », « véritables » et supposées inaltérées
des civilisations 2 et même s’il a par ailleurs découvert à
partir de 1980 dans son « œuvre tardive 3 » de nouvelles stimulations
en se tournant vers le Proche puis l’Extrême-Orient 4 ,
l’Antiquité gréco-romaine et son héritage littéraire, historique
et mythologique sont restés, pendant toute sa vie, sa source
d’inspiration essentielle.
L’intérêt de Cy Twombly pour l’Antiquité n’a pas attendu
pour s’éveiller son départ de New York et son installation
définitive à Rome en 1957, où il devait bientôt épouser l’aristocrate
italienne Luisa Tatiana Franchetti. Dès 1952-1953,
l’artiste entreprend en compagnie de Robert Rauschenberg
un voyage d’étude au cours duquel il se rend sur des sites
antiques à Tanger et prend lui-même part aux fouilles archéologiques.
Le jeune homme âgé de vingt-quatre ans a témoigné
avec enthousiasme de cette expérience marquante : « Je
viens de rentrer d’un travail de fouilles menées sur un site de
thermes romains […] – l’Afrique du Nord est criblée d’admirables
villes romaines, et il n’y a qu’un an qu’on a commencé
à faire des fouilles dans cette région. […] Ma peinture a
beaucoup changé. […] – Je suis absolument incapable de
dire combien l’Afrique a agi sur mon travail (pour le meilleur
je l’espère) 5 . »
Les œuvres de Cy Twombly sont le fruit d’un feuilletage
composé d’innombrables phases de travail conduites
l’une après l’autre. L’artiste s’emploie ce faisant à brouiller
intentionnellement les diverses étapes consistant à peindre,
à peindre en surcharge sur ce qui a déjà été peint, à griffonner,
estomper, salir, apposer des écritures ou tracer des inscriptions,
de sorte qu’il devient impossible d’en reconstituer
séparément et complètement les opérations. Twombly procède
par superposition, chevauchement et imbrication non
seulement sur le plan technique, mais aussi pour ce qui est
des motifs de ses œuvres, puisqu’il y explore généralement
plusieurs thèmes à la fois. Dans ses ouvrages procédant de
la sédimentation d’indénombrables strates de formes et
de contenus, les traces de peinture, de dessin et d’écriture,
les « trouvailles picturales » et les « bribes de mots » éparses
se superposent en couches « stratigraphiques ». Les traces
sémantiques que l’on peut associer à ces « reliques » doivent
être à nouveau déblayées, exhumées et mises au jour, pourraiton
dire, par le spectateur – Roland Barthes a parlé d’un
« palimpseste pervers 6 », Charles Olson d’une « archéologie
inversée 7 ».
Au renvoi à des fragments du passé pour ce qui est
du contenu correspond formellement dans les œuvres de
Twombly un retour à un geste « enfantin » ou « gauche », selon
les qualificatifs de Roland Barthes 8 –, un régime de la chose
délibérément inachevée, de ce qui a l’air maladroit, gâché,
du ratage, de l’oubli dans le souvenir 9 , de la nidation de
99
ill. 1
CY TWOMBLY
Sans titre, 1970
Peinture industrielle et crayon à la cire,
345,5 × 405 cm
The Menil Collection, Houston,
don de l’artiste
Le corps parlant de Cy Twombly
RICHARD LEEMAN
Pour Nicola
« Alors même que, comme je l’écrivais dans mon livre sur l’artiste,
le tracé des grandes trochoïdes peut se lire comme le parcours
d’une ligne, je ne voyais pas ce que cette ligne indique en creux :
le vide autour duquel elle s’enroule. Je ne connaissais pas, alors, le
travail de Lacan sur le tore dans son séminaire sur l’identification,
dans lequel Lacan formalise grâce à la topologie le rapport du désir
au manque et à l’objet petit a : là, précisément, dans le jeu de ces
cercles – les cercles de la demande – autour du vide du tore – l’objet
petit a. Toute l’œuvre de Twombly est une expression de la perte,
c’est le sens de mon livre, et ces inlassables tourbillons parlent de
cette perte par le vide qu’ils définissent. »
R.L., « Twombly entre les lignes », Séminaire sur l’art d’aujourd’hui,
Bordeaux, novembre 2015
Des gribouillis parsemant all over ses toiles des années 1950
aux dégoulinures des vastes étendues scatologiques du début
des années 1960 (notamment, la série des Ferragosto, 1961,
ill. 2), la peinture de Cy Twombly a longtemps été comparée
voire réduite, dans un certain imaginaire critique, aux productions
enfantines – le plus souvent sur l’air connu du « un
enfant pourrait faire la même chose 1 ». Ce type de jugement,
un lieu commun de la critique, témoigne d’une ignorance et
d’un mépris assez réactionnaires englobant tout à la fois l’art
contemporain et celui des enfants. Tout cela est assez loin
de la mythologie quelque peu romantique de l’enfance qui
remonte au moins à Baudelaire (« le génie n’est que l’enfance
retrouvée à volonté »), passant, entre autres, par Gauguin,
Émile Bernard, le fauvisme, l’expressionnisme, et bien sûr
Picasso qui, dans une phrase célèbre, disait avoir mis toute sa
vie à savoir dessiner comme un enfant 2 . Twombly a d’ailleurs
lui-même apporté une réponse aussi limpide que définitive à
ce perpétuel procès en enfance, en indiquant que sa ligne est
enfantine [childlike], mais pas puérile [childish] 3 . « C’est très
difficile à imiter : pour avoir cette qualité, il faut se projeter soimême
dans la ligne de l’enfant, cela doit se ressentir », ajoutet-il.
La comparaison avec l’enfance est donc assumée par
Twombly, mais sous l’angle de l’imitation – to fake, ici traduit
par imiter, peut aussi se traduire par contrefaire, voire truquer – et
de la projection. Il y a là – dans cette imitation, cette
projection – une distance assez typique de Twombly. À vrai
dire, cela relève aussi de l’évidence : c’est comme un dessin
d’enfant [childlike], mais ce n’en est pas un [but not childish].
Cela dit, ce n’est pas sur le terrain de l’art enfantin que
ces formules répétées d’une critique inattentive me conduisent
ici. Plutôt sur celui d’une sorte de psychologie historique pour
laquelle ces critiques ont valeur de symptômes. La métaphore
de l’enfant prend en effet d’autres formes, dont l’une
me semble exemplaire : celle de l’enfant terrible. La critique et
l’histoire – entendons ici l’historiographie – de l’art américain
ne comptent plus, de Jackson Pollock à Robert Rauschenberg
à Andy Warhol, Jean-Michel Basquiat ou Jeff Koons, le nombre
de ses enfants terribles (en français dans le texte). Le meilleur
exemple, pour ne pas dire le paradigme, en est peut-être
Rauschenberg, de qui Twombly lui-même dit qu’il « a toujours
été un enfant terrible 4 », et dont le Dessin de De Kooning effacé
en particulier (1951), énonce on ne peut plus clairement
127
Cat. 115
Quattro Stagioni: Autunno, 1993-1995
Acrylique, huile, crayon de couleur
et mine graphite sur toile
313,6 × 215 cm
Tate, Londres
168
Cat. 116
Quattro Stagioni: Inverno, 1993-1995
Acrylique, huile et mine graphite sur toile
313,5 × 221 cm
Tate, Londres
169
Cat. 173
Blooming, 2001-2008
Acrylique, crayon à la cire
sur 10 panneaux de bois
250 × 500 cm
Collection particulière
242
ill. 1
Cy Twombly et Yvon Lambert, Paris, 1976
Photo André Morain
Yvon Lambert :
souvenirs de Cy Twombly
Propos recueillis par ÉRIC MÉZIL
Cy Twombly est l’artiste le plus représenté dans ma collection
personnelle et dans la donation que j’ai faite à l’État français
en 2012. Ces œuvres réunies symbolisent quatre décennies
de passion jusqu’à ce que le musée d’Avignon puisse prendre
le relais de ma galerie parisienne pour poursuivre ce travail
de diffusion auprès du public.
En France, Cy Twombly avait réalisé sa première exposition
parisienne en 1961, à la Galerie J, tenue par Jeanine de
Goldschmidt, la compagne du critique d’art Pierre Restany.
Aux dires de l’artiste, l’exposition est passée totalement inaperçue,
et ensuite plus personne ne l’exposa à Paris. À New
York, son marchand était le grand Leo Castelli. S’il avait divorcé
de sa première femme Ileana, rencontrée avant guerre en
France, il resta en excellents termes avec elle. Celle-ci, remariée
à Michael Sonnabend, quitta New York pour Paris où
elle ouvrit en 1962 une galerie quai des Grands-Augustins.
Poursuivant à sa manière le programme de Leo Castelli, elle
exposa pour la première fois des artistes du pop art, de Roy
Lichtenstein à Andy Warhol. C’est l’année où j’ouvris ma première
petite galerie à Vence, ma ville natale, à mille lieues de
cet univers qui allait pourtant être le mien.
En 1965, quand je m’installai à Paris, je découvris rapidement
la galerie d’Ileana Sonnabend qui allait devenir un
modèle pour moi. J’ai souvent fait un constat sévère mais
réaliste du climat artistique de l’époque : Paris ne voulait pas
admettre que, depuis la moitié du xx e siècle, elle n’était plus
la capitale internationale des arts rayonnant sur le monde.
Avec la guerre et le départ des grands artistes européens
pour l’Amérique, une scène nouvelle avait émergé à New
York, alors que mes confrères bataillaient toujours dans un
académisme où s’opposaient abstractions froide ou chaude,
lyrique ou géométrique.
J’avais toujours été intrigué par les œuvres de Cy Twombly.
Déjà, mon ancienne compagne, Françoise, qui avait ouvert
une galerie à Milan, m’avait montré des reproductions
d’œuvres de Twombly dans des revues ; j’eus immédiatement
l’intuition que ce travail était pour moi. Dans ce milieu parisien
endormi, les expositions chez Ileana Sonnabend étaient
de pures bouffées d’oxygène et de découvertes fondatrices,
aiguisant mon œil et mon goût pour l’art qu’on n’appelait
pas encore contemporain. Née dans la Mitteleuropa comme
Leo Castelli, Ileana parlait un français impeccable, et je m’entendais
si bien avec elle qu’il était hors de question que je
« vole » un artiste de sa galerie. Il me revenait de créer ma
propre identité rue de l’Échaudée et rue de Seine avec des
artistes américains qui allaient changer radicalement la face
du monde de l’art en Europe, et s’imposer en deux décennies
comme les maîtres d’une nouvelle histoire de l’art.
L’année 1969 a été très importante pour moi puisque furent
exposés pour la première fois Brice Marden, Lawrence
Weiner, Carl Andre, puis Robert Ryman, Fred Sandback, On
Kawara. Quand j’organisai l’exposition de Brice Marden
245
ci-contre
Sans titre (A Gathering of Time), 2003
(détail) [voir cat. 129 p. 193]
qu’un musée d’abord destiné à accueillir des œuvres d’art, le
collectionneur intervient. Le jury tranche finalement pour le
projet des architectes berlinois Sauerbruch & Hutton, qui ont
conçu un bâtiment à la fois novateur, adapté à sa fonction et
d’apparence discrète.
Un an plus tard, Udo Brandhorst réussit à acheter pour
la fondation une œuvre majeure de Twombly : son cycle de
Lepanto. L’artiste a créé cet ensemble composé de douze
toiles de grand format pour la Biennale de Venise. Elles ont
pour thème la bataille navale historique de Lépante, qui coûta
en 1571 la vie à quelque 40 000 soldats. Engagée dans
la médiation de ce cycle, la Gagosian Gallery l’avait d’abord
proposé au Museum of Modern Art, mais sans succès.
L’acquisition en fut ensuite faite pour Munich, parce que
Twombly, après la transformation de la collection privée
Brandhorst en un musée public, pouvait avoir l’assurance
que Lepanto y trouverait une place fixe. On lui donna en
outre la garantie qu’une grande salle de 350 m 2 , réservée
à l’exposition permanente de ses œuvres, serait intégrée au
nouveau bâtiment.
Enchanté de cette solution, l’artiste – en concertation
avec les architectes et le collectionneur – a pris une part
active à l’élaboration de cette salle centrale à la proue du
musée. On ne connaît qu’un seul autre exemple d’un tel
engagement : lors de la construction, à Houston au Texas,
de la Twombly Gallery, qui fait partie intégrante de la Menil
Collection et qui a été ouverte en 1985. Pour cette collection
d’œuvres de Twombly la plus importante au monde, à
côté de celle de Brandhorst, Renzo Piano a réalisé un édifice
muséal indépendant. Twombly a été associé dès le départ à
sa conception et a pu y intégrer ses idées bien arrêtées sur
la configuration spatiale, la mise en forme des façades, la
régie de la lumière (un éclairage zénithal, comme à Munich)
et choisir jusqu’aux matériaux pour le sol.
Après le tournant du siècle, un staccato d’événements
autour de Twombly débute à Munich – notamment à l’initiative
d’Udo Brandhorst. En 2002, le cycle de Lepanto est présenté
à l’Alte Pinakothek ; en 2003, la Staatliche Graphische
Sammlung organise une rétrospective des œuvres graphiques
de Twombly, « Cinquante ans de travaux sur papier » ; en
2006, c’est au tour de ses sculptures d’être exposées dans la
prestigieuse Alte Pinakothek.
Parallèlement, en plus de l’acquisition de Lepanto,
la collection continue de s’enrichir. Trois sculptures et plusieurs
tableaux monumentaux comme Sans titre (Bacchus)
(cat. 133 et 134 p. 198-201) de 2005 ou les trois peintures
vert céladon Sans titre de 2003 (cat. 127, 128, 129 p. 192,
193) rejoignent Munich, complétés par des dessins. La plupart
de ces œuvres sont acquises par l’entremise du principal
représentant de Twombly, la Gagosian Gallery, où le
collectionneur a pu exercer son privilège de first choice.
Après la mort d’Anette se constitue, comme une sorte de
pendant au fonds Twombly, l’une des plus amples collections
au monde d’œuvres d’Andy Warhol, elle compte aujourd’hui
une centaine de d’œuvres. Il était prévu de réserver la plus
grande salle du musée, au premier étage, à une sélection de
peintures grands formats de Warhol. Un jour où Twombly,
après plusieurs visites, lui demanda sans espoir : « Est-ce qu’on
ne pourrait pas montrer mes tableaux ici aussi ? », Udo lui fit
cette réponse lapidaire : « Bien sûr qu’on pourrait, sauf que je
n’ai pas autant de tableaux. » Survient alors quelque chose
d’analogue à ce qui s’était passé quelques années plus tôt
à Houston : Twombly promet une donation et crée en 2008,
spécialement pour cette salle, une série de six œuvres en plusieurs
parties, de format extrêmement allongé : les peintures
de roses. Sur ces gigantesques toiles, des citations de poèmes
d’Emily Dickinson, T.S. Eliot, Rainer Maria Rilke, Patricia Waters
et Ingeborg Bachmann, morte accidentellement à Rome à
l’âge de 47 ans, viennent s’inscrire aux côtés des fleurs monumentales.
Cette donation est complétée par dix sculptures
originales – un hommage en même temps qu’un splendide
remerciement de Twombly au collectionneur qui s’est engagé
pendant des décennies avec passion pour son art.
Quelque temps plus tard, en 2009, on inaugurait le
Museum Brandhorst. Sous la direction souveraine d’Armin
Zweite, il devint rapidement l’un des principaux points d’attraction
du quartier munichois des musées et de ses joyaux.
Après l’ouverture du musée, d’autres œuvres de
Twombly allaient trouver à leur tour le chemin de la collection.
Parmi elles, cent photographies acquises auprès de la galerie
munichoise Schirmer/Mosel Showroom et, après la mort de
l’artiste en 2011, un tableau de la série Camino Real, peinte
un an plus tôt.
« Voie royale », la traduction de ce titre, pourrait tenir lieu
d’emblème à la longue vie heureuse et, dans ses dernières
décennies, couronnée de succès de l’artiste. Le destin inaccompli
du poète anglais John Keats, son frère spirituel, qui
mourut à Rome en 1821, à l’âge de 25 ans, lui a été épargné.
Sur sa pierre tombale, Keats a fait graver, sans mention de
son nom, cette épitaphe désespérée : « Here lies One Whose
Name was writ in Water. » [Ici repose quelqu’un dont le nom
était écrit dans l’eau].
Cy Twombly continuera lui aussi de vivre après la mort à
travers son œuvre, sans la barque de la nuit et sans la barque
du jour d’Osiris, divinité qu’il avait secrètement convoquée
en inscrivant le nom d’Abydos dans la surface liquide de son
tableau de 1992. La collection d’Anette et Udo Brandhorst a
sa part dans cette postérité.
Traduit de l’allemand par Jean Torrent.
258